Biodiversité | Médail, Frédéric

Biodiversité 179 processus de création de biodiversité. Ces événements, répétés au fil du temps, avec des magnitudes diverses, ont déterminé une histoire biogéographique médi­ terranéenne complexe, dite « réticulée », qui est de mieux en mieux connue grâce aux études de la variation géographique des lignées génétiques (phylogéographie). Situées à la charnière entre les vestiges des deux anciens « supercontinents », la Laurasie et le Gondwana, séparés depuis 200 millions d’années (Ma), les terres « protoméditerranéennes » ont été peuplées à partir de ces deux ensembles. La mer actuelle est, quant à elle, le vestige de l’océan Téthys qui séparait ces deux continents jusqu’à il y a environ 70 Ma. Au Tortonien (10 Ma), Mare Nostrum prend une configuration assez voisine de l’actuelle, en s’isolant de l’Indopacifique. La paléogéographie explique que se retrouvent des espèces terrestres de souche méridionale (tropicale), principalement d’affinité asiatique, et des espèces extra- tropicales, de souche autochtone ou septentrionale. L’individualisation d’îles et bras de terre liée au déplacement de diverses microplaques tectoniques depuis au moins 140 Ma (début du Crétacé) a rendu possible de nombreux échanges entre ces deux ensembles. Ces événements ont permis la formation de bon nombre d’endémiques, à la faveur de l’isolement plus ou moins marqué des territoires, et de la forte hétérogénéité des substrats, de la géomorphologie, mais aussi du climat. Ces endémiques se retrouvent plus particulièrement chez les groupes à capacité réduite de dispersion, soit une bonne partie des végétaux, des mol- lusques terrestres, ou encore des coléoptères. L’origine de la flore méditerranéenne remonte au Néogène, deuxième partie de l’ère tertiaire (ou Cénozoïque). C’est en effet au Miocène (entre 23 et 5 Ma) et surtout au Pliocène (entre 5 et 1,8 Ma) que se diversifient bon nombre de végétaux structurants des écosystèmes terrestres (pins, chênes, oliviers, filaires, cistes, etc.) qui imposent la réalité d’une végétation, au moins localisée, de type méditerranéen. Ces taxons étaient alors associés à des végétaux très exigeants en température (espèces dites « mégathermes »), aujourd’hui cantonnés aux régions tropicales. Au Néogène, des événements paléogéographiques majeurs ont laissé des « signatures génétiques » encore décelables chez les populations animales ou végétales actuelles. En Méditerranée occidentale, c’est le cas de la dislocation, à partir du Miocène inférieur, du bloc continental protoligure, sui- vie de la migration des diverses microplaques formées, à l’origine de la Corse, de la Sardaigne, des Baléares orientales, des Maures et des Pyrénées orientales. La distribution des lignées moléculaires du chêne-liège ou des espèces vicariantes de gastéropodes terrestres du genre Tudorella témoigne de cette histoire fort ancienne, qui a débuté il y a environ 25 Ma. Autre événement d’importance, la crise de salinité du Messinien (entre 5,96 et 5,33 Ma), consécutive à la ferme- ture du détroit de Gibraltar, a conduit à un assèchement presque complet de la Méditerranée et à de nombreux ponts terrestres qui ont pu faciliter certaines

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