Bible | Dorival, Gilles

Bible 166 Souvent, on a vu un progrès intellectuel dans cette élimination de l’allégorie, dont on a dénoncé le caractère artificiel. Mais la Bible a été écrite par des hommes qui faisaient la distinction entre le sens apparent et le sens figuré. De plus, la méthode historique est elle aussi artificielle : par exemple, le sous-corpus constitué par les Psaumes 119‑133 (120‑134), appelés par la Bible « cantiques des degrés », a fait l’objet de plus de quinze explications différentes ; ils auraient été chantés par le roi Ézéchias (vers 700) ou par les exilés sur le chemin de retour (vers 450) ; ou bien ils auraient été chantés par les prêtres sur les degrés du Temple ou par les pèlerins lors des pèlerinages annuels. Parmi les interprétations de la Bible, celle du Coran mérite une attention par- ticulière. Ce dernier considère l’Ancien Testament comme un des textes saints que Dieu a révélés aux hommes avant d’offrir le Coran aux Arabes ; il l’appelle al-Kitâb (« le Livre ») ou al-Tawrâ (« la Torah ») ; le terme al-zabûr désigne les Psaumes de David. Les passages bibliques auxquels le Coran se réfère font en général partie de la Torah : il est question d’Adam, de Noé (qui donne son nom à la sourate LXXVI), de Loth, d’Abraham (qui donne son nom à la sou- rate XIV) et de ses fils, Jacob, Joseph (dont la sourate XII porte le nom) et de ses frères, de Moïse qui a guidé le peuple en Égypte, qui a affronté Pharaon et qui a conduit l’errance dans le désert. Toutefois, le Coran mentionne également des noms qui figurent chez les Prophètes : Saül, David, Salomon et Jonas (dont la sourate X porte le nom). Cependant, le Coran ne dit mot d’Isaïe, de Jérémie ni d’Ézéchiel. Certains développements coraniques sur les personnages bibliques ne figurent pas dans la Bible, mais dans la littérature juive postérieure, comme l’histoire de la femme du gouverneur égyptien invitant ses amies à contempler la beauté de Joseph pour justifier son désir de commettre l’adultère (XII, 30‑32). En fait, le Coran ne fait de citations littérales de la Bible que très rarement ; même la citation des Psaumes donnée en XXI, 105 (« en vérité, mes serviteurs justes hériteront de la terre ») n’est pas absolument identique à Psaumes XXXVI (XXXVII), 29 (« les justes hériteront de la terre »). En règle générale, le Coran paraphrase la Bible, qu’il complète à l’aide de traditions juives postérieures. En matière d’interprétation, l’originalité du Coran est d’affirmer que les juifs ont modifié et falsifié la Bible (IV, 46) pour supprimer tous les témoignages bibliques annonçant la venue de Mahomet. En ce qui concerne le Nouveau Testament, le mot Injil (Évangile) est employé douze fois dans le Coran : il désigne à la fois le texte évangélique et la révélation de Jésus. L’Évangile est vu comme un livre céleste contenant certaines des révélations du Coran ; mais il a fait l’objet d’une déformation (tahrîf ) par les chrétiens ; par exemple, c’est à tort qu’il est dit que Jésus est mort sur la Croix (sourate IV, 157‑158) ; comme le Coran rend caduc l’Évangile, seuls les éléments de ce texte présents dans les sourates sont authen- tiques. À ses yeux, Jésus est messie, prophète, parole et serviteur de Dieu, mais

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