Arsenal | Acerra, Martine; Buti, Gilbert

Arsenal 122 les plus accomplis d’entre eux : Venise et Istanbul. Même fermés de leurs hauts murs, les voyageurs parviennent à y pénétrer et les décrivent, les vantent, les des- sinent. La Sérénissime, avec ses cales à galère ou vaisseau, sa corderie double, ses parcs d’artillerie et ses darses successives (arsenale vecchio, nuovo, nuovissimo) , demeure le but du voyage éducatif de nombreux futurs responsables des marines européennes au xvii e siècle. Arsenal modèle, Venise n’est concurrencée, à cette époque, que par Istanbul et sa centaine de cales de construction qui s’étendent sur deux kilomètres le long de la Corne d’Or. Une partie en est détruite pour faire place à cinq chantiers à ciel ouvert destinés à la construction des vaisseaux, aux- quels quatre autres s’ajouteront à la fin du xviii e siècle, ainsi que deux machines à mâter et un bassin de radoub. Lieu de concentration humaine, l’arsenal est aussi lieu de modernité qui adopte les technologies nouvelles dans un brassage continuel d’influences d’ori- gines multiples. Espace d’invention et d’expérimentation, l’arsenal offre un bel exemple de transmission des savoirs, d’abord hérités des Anciens, puis enrichis des modèles extérieurs dont les meilleures solutions sont rapidement intégrées. Phénomène visible dès le Moyen Âge, il s’accentue aux époques moderne et contemporaine, en particulier sous l’influence du changement de technologies avec l’adoption de la propulsion à vapeur, de l’hélice, du blindage et des obus remplaçant les boulets pleins. La taille, la forme, le volume des navires de guerre à construire et à entretenir provoquent de profondes mutations. L’arsenal ne change certes pas de fonction mais, adapté à ces nouveaux besoins, il sort de ses limites historiques et s’étend au-delà de son enceinte fortifiée devenue obso- lète. Le gigantisme et la multiplication des installations étalent sur le rivage leurs zones de production, d’entrepôts, de bassins, comme l’illustre l’arsenal de Toulon, gagnant son espace vital sur la rade à l’est et à l’ouest de ses darses d’origine. Tel est le cas aussi de Malte dont l’arsenal pénètre plus profondé- ment dans son bras de mer originel afin de trouver l’espace qui convient à sa croissance et à la construction des vaisseaux. Par ailleurs, d’autres sites appa- raissent dans la géographie des arsenaux lorsque les anciens atteignent leurs limites d’utilisation ou lorsque la politique l’exige : ainsi La Spezia a remplacé Gênes et Bizerte a été l’arsenal tunisien sous le protectorat français. Dans un mouvement de modernisation générale, l’Égypte se dota également d’un arse- nal implanté à Alexandrie entre 1829 et 1833. Sur le maillage littoral tradi- tionnel viennent donc s’ajouter les arsenaux contemporains. La hiérarchie des sites fluctue mais existent toujours des arsenaux à fort potentiel ayant, à l’oc- casion, recours à des homologues plus modestes pour compléter leurs activi- tés. Gênes bénéficie ainsi des chantiers installés sur la côte ligure au nord et au sud de sa rade, chantiers qui sont mieux situés que lui dans la géographie des approvisionnements nécessaires à la construction. Istanbul jouit de l’apport

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