Architecture | Tsiomis, Yannis

Architecture 113 villes balkaniques et méditerranéennes sont marquées du « F » du folklore. La Méditerranée est ainsi revêtue du sceau du vernaculaire, de l’authenticité d’une part et de la « culture » (antique s’entend) de l’autre. La Méditerranée s’introduit ainsi dans le vocabulaire de l’architecture sous ce double aspect de la permanence antique du temple et le mythe de l’autochtonie et de l’authenticité des peuples. La lumière et le blanc seront un des éléments fondateurs de l’architecture moderne qui les découvre – ou les invente – à partir du voyage en Méditerranée. Il ne s’agit plus de la « métaphore méditerranéenne » (Steve, 1996) de la Côte d’Azur et de la Riviera de la fin du xix e siècle, dont l’architecture polychrome et éclectique, souvent inspirée de l’architecture urbaine de Paris, du néogothique, etc., s’adresse à un public d’aristocrates et bourgeois enrichis qui achètent du soleil contre les brumes, mais d’une Méditerranée géo- graphique dont l’architecture traduit le climat. Pour les architectes modernistes, la lumière, l’ombre, la chaleur, le soleil sont à prendre au premier degré. Il ne s’agit pas seulement d’architecture mais aussi de tracés urbains, de l’ordonnan- cement de l’espace public comme forme et lieu de la sociabilité. L’architecte Tony Garnier, dans son manifeste de la Cité industrielle dessiné durant son séjour à la Villa Médicis à Rome, est l’un des premiers modernes à utiliser des éléments puisés dans le vocabulaire méditerranéen en introdui- sant un rapport particulier entre rue, îlot, cours, comme étant des espaces col- lectifs. L’espace méditerranéen répond ainsi à l’hygiénisme, à la vie collective comme prolongement de la vie domestique de même que la blancheur des murs dépouillés. Un nombre impressionnant d’architectes suivra le chemin de l’archi- tecture inspirée de la Méditerranée, mais les choses sont plus compliquées qu’on ne le dit. Toute architecture des mouvements modernes de l’avant-guerre est souvent vue sous l’angle d’une « méditerranéité » supposée, de la Villa Savoye de Le Corbusier aux multiples œuvres des architectes italiens de la période fas- ciste. Il faut donc faire la part des choses. On confond souvent le blanc comme expression du rationalisme : l’architecture cubique, le cercle, le carré, etc. – et l’architecture de Le Corbusier, du Bauhaus, des rationalistes italiens peut se lire ainsi – avec le blanc comme « style », comme absence de décor mais inspiré de la Méditerranée, le blanc comme « hommage à la Méditerranée ». Il ne faut donc pas confondre tous ces « blancs », car il y a le blanc « moderne », le blanc « colo- nial » et « néo-mauresque », en fait un autre décor blanc. Cette « politique du blanc » est trop complexe pour qu’on la réduise à la découverte de la Méditerranée et même à son invention : on oublie souvent que le plus grand nombre des vil- lages des îles de la mer Égée n’étaient pas blancs tout au long des siècles, à com- mencer par les îles des Cyclades, jusqu’au moment où les poètes ont découvert l’éclat de la lumière comme un signe de la « méditerranéité », une autre façon de parler de la « grécité » de manière contradictoire d’ailleurs, d’un point de vue

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