Archéologie | Jockey, Philippe

Archéologie 107 musée du Louvre, symbole du pouvoir de l’État en matière culturelle, en deux « divisions » : la première « comprendra les monuments grecs, les monuments romains et ceux du Moyen Âge. La deuxième division comprendra les monu- ments égyptiens de toutes les époques ou provenant de l’Égypte ; dans cette deuxième division seront aussi compris tous les monuments orientaux, phéni- ciens, persépolitains et indous […] ». Napoléon III, l’empereur-archéologue, connu pour sa redécouverte d’Alésia et de Gergovie, encouragera simultanément l’archéologie du Proche-Orient dont Renan en personne incarna l’essor, notamment en Phénicie. L’Institut français d’archéologie orientale ( ifao ), installé au Caire, fondé par décret de la République française en 1880, acheva de donner à l’égyptologie ses lettres de noblesse. Ses domaines de recherche et d’intervention excédèrent la seule archéologie égyptienne en englobant l’étude de la Phénicie, de la Mésopotamie ou encore de la Perse. Il participa par là à l’élaboration de la figure de l’autre, tenu à distance, quel que fût l’éclat des civilisations auxquelles il était rattaché. Qu’elle traitât de soi ou de l’autre, investie de ce rôle majeur, l’archéologie occidentale méditerranéenne fut en quelque sorte sommée d’abonder ce dis- cours. Il en résulta un certain nombre de caractères singuliers communs à ses diverses expressions. Ils prirent en Méditerranée une importance particulière. Première de ces singularités, les méthodes mises en œuvre dans la conduite des fouilles. Elles ne seront que tardivement critiquées, voire décriées. On observe, en effet, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, d’un pays à l’autre, des pratiques très largement similaires qui perdurèrent jusqu’à la révolution épistémologique qui toucha la discipline dans les années 1960‑1970. L’impératif est longtemps demeuré le même : « produire du vestige » à tout prix, si possible monumental, et mieux encore, spectaculaire. On ne faisait alors, en réalité, que redonner au projet des Anciens une vigueur nouvelle. On procède, à grands renforts d’escouades d’ouvriers (car la fouille est aussi le cas échéant affaire de mineurs ou de militaires), dès le xviii e siècle, tout au long du xix e siècle et encore dans la première moitié du xx e siècle, à l’exhuma- tion, sur des dizaines d’hectares, des témoins les plus spectaculaires de la seule culture matérielle classique grecque et romaine, ou, à l’inverse, des fleurons de la civilisation pharaonique. Sculptures, édifices sacrés ou publics, habitats et quar- tiers urbains sont exhumés. Au prix de la perte d’informations capitales. Parmi celles-ci, la destruction de la stratigraphie – définie comme la succession des couches et périodes d’occupation ou de destruction – de sites explorés à la va-­ vite, trop souvent. Le fait que les préhistoriens ou les protohistoriens aient été à l’origine des principaux progrès en matière de conduite de la fouille et d’en- registrement des données – y compris sur les sites classiques – ne doit ici rien au hasard. Affranchis de la tutelle classique, quand ils n’étaient pas d’ailleurs en

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