Alchimie (Moyen Âge) | Moureau, Sébastien

Alchimie 70 À la fin du xiii e siècle, à côté des traductions d’œuvres arabes attribuées à Jâbir ibn Hayyân (Geber en latin), un corpus de textes attribués à Geber se compose en latin, dont le principal représentant est la Summa perfectionis . Ce traité alchi- mique est rapidement devenu une des sources majeures de toute l’alchimie des siècles suivants. La doctrine qu’il présente se place en porte-à-faux avec celle qui dominait le paysage jusque-là : différentes matières étaient défendues pour la confection de l’élixir, mais on donnait généralement la préséance aux substances organiques, théorie dont le De anima alchimique du Pseudo-Avicenne était le premier tenant ; avec la Summa perfectionis , l’élixir n’est composé qu’à partir de substances minérales mercurielles. Dans ce xiii e siècle d’essor technologique et économique, l’alchimie trouve une place, et plusieurs savants s’y intéressent, comme Vincent de Beauvais, Robert Kilwardby et Thomas d’Aquin. Ils ne la classifient cependant jamais parmi les arts libéraux, mais toujours parmi les arts mécaniques (tout comme la médecine), comme une branche secondaire de la philosophie de la nature, une simple application pratique de cette théorie philosophique. L’augmentation de fraudes alchimiques commence toutefois à susciter des méfiances à l’égard de l’alchimie. L’alchimie proprement latine : les xiv e et xv e siècles Aux xiv e et xv e siècles, les sources des auteurs alchimiques sont non plus seu- lement les traductions de l’arabe, mais aussi et surtout les textes composés en latin au xiii e siècle. Parmi ceux-ci, c’est avant tout la Summa perfectionis et sa théorie du « mercure seul » qui va l’emporter. Le côté allégorique de l’alchi- mie, déjà présent dans la Tabula chemica d’Ibn Umayl et la Turba philosopho- rum , se développe. On observe également une christianisation de l’alchimie. La prolongation de la vie et la médecine par l’alchimie deviennent un thème central pour les auteurs. Le médecin catalan Arnaud de Villeneuve (1240‑1311) se voit attribuer un corpus important d’œuvres alchimiques, dont l’authenticité, probablement fausse, reste sujette à discussion. Le Rosarius philosophorum en est le principal représen- tant. D’autres traités, comme le De secretis naturae et le Tractatus parabolicus , décrivent des liens entre la pierre des philosophes et le Christ. Un autre corpus de textes alchimiques est attribué au philosophe catalan Ramón Llull (vers 1233-vers 1316), qui est pseudépigraphique : le philosophe était en effet opposé à l’alchimie. Ce corpus jouira d’une diffusion très importante (jusqu’au xvii e siècle). La pièce majeure de cette collection est le Testamentum , qui présente des points communs avec la doctrine de plusieurs ouvrages attri- bués à Arnaud de Villeneuve (sans qu’on puisse définir le sens ni la chronologie de cette transmission).

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=