Alchimie (Moyen Âge) | Moureau, Sébastien

Alchimie 69 techniques (instruments comme l’alambic et l’aludel, deux mots arabes, ou des substances, etc.). La réception de l’alchimie est un mouvement complexe encore mal connu. Les savants de l’Occident ont considéré que l’alchimie pouvait offrir une contri- bution majeure au savoir minéralogique. Cependant, l’alchimie n’a jamais véri- tablement pénétré le monde universitaire occidental médiéval. L’une des raisons en est la traduction par Alfred de Sareshel dans les années 1160 d’une partie du cinquième fann des Tabî‘iyyât (Physique) du Kitâb al-Shifâ’ (Livre de la guéri- son) d’Avicenne, le Kitâb al-ma‘âdin wa-al-âthâr al-‘ulwiyya (Livre des minéraux et des phénomènes supérieurs) , dans lequel le philosophe se positionne contre la possibilité de la transmutation des espèces. Le traducteur a placé ce petit passage à la fin des Météorologiques d’Aristote, ce qui a conféré au texte une autorité de poids. Cette assertion a lancé un fougueux débat concernant la possibilité de la transmutation aux xiii e et xiv e siècles. L’assimilation de l’alchimie arabe : le xiii e siècle Tout comme dans le monde arabe, les débuts de l’alchimie voient apparaître, aux côtés des traductions, des textes rédigés dans le style des traductions, teintés d’arabismes, dont il est parfois difficile de déterminer l’origine. Ainsi, le De per- fecto magisterio du Pseudo-Aristote ressemble à une traduction, mais pourrait également avoir été composé directement en latin. À partir du début du xiii e siècle, l’assimilation de l’alchimie arabe par le monde latin se confirme et des ouvrages écrits en latin par des Latins voient le jour. Ainsi, le fameux traducteur Michel Scott (mort en 1235) a peut-être composé une Ars alchemiae (Art d’alchimie) , traité d’alchimie intégralement fondé sur des éléments arabes, qui contient très peu d’informations théoriques pour un grand nombre de recettes. L’œuvre se présente comme une tentative d’éclaircissement des textes arabes parfois contradictoires, et participe pleinement de la phase d’assimilation. Du côté du monde universitaire, Albert le Grand (1193‑1280) rédige un De mineralibus dans lequel il entreprend de faire une première synthèse des connaissances minéralogique du temps, fondée sur des sources arabes et latines. Il se prononce pour la possibilité théorique de la transmutation, mais affirme n’avoir jamais vu une réalisation pratique de la chose. De nombreux traités alchi- miques, probablement inauthentiques, lui sont attribués. Plus militant, Roger Bacon (1214‑1293), dans plusieurs de ses œuvres, consi- dère l’alchimie comme un domaine essentiel du savoir. Il en fait le fondement de la médecine, et élabore, le premier en Occident, une théorie de prolongatio vitae (prolongation de la vie) qui permettrait de soigner et d’augmenter considé- rablement la longévité des hommes. Parmi les œuvres alchimiques qui lui sont attribuées, il est difficile de faire la part des choses concernant l’authenticité.

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