Alchimie (Antiquité) | Viano, Cristina

Alchimie 63 L’ésotérisme de l’alchimie Dans l’alchimie grecque, on retrouve les deux aspects fondamentaux de l’« éso- térisme » qui découlent de l’étymologie même du mot esoterikos (interne) : la spécialisation technique et l’intériorisation mystique. En premier lieu, comme tout savoir spécialisé, technique ou philosophique, l’alchimie demande un apprentissage, une initiation à des « doctrines internes », dans le sens aristotéli- cien d’« internes à une école ». Les alchimistes sont des « initiés » (mustai) et ont accès à des mystères (mustêria) issus d’une révélation faite originairement par un être surnaturel. Par exemple, dans la Lettre d’Isis à Horus , le secret de la prépara- tion de l’or et de l’argent est le fruit d’une révélation d’un ange à Isis qui, à son tour, la transmet à Horus, son fils unique et légitime. Zosime reçoit en songe des révélations sur les propriétés des métaux. L’usage d’occulter délibérément la vérité est un trait constant de la littérature alchimique, admis par les alchimistes eux-mêmes. D’où l’éloge du silence, l’obscurité des expressions, les allégories, les métaphores, le langage symbolique. Dans le Compte final ( caag, II, 239, 12 s.), Zosime raconte que les artisans des rois d’Égypte, préposés à accroître les trésors royaux, étaient censés garder le secret afin de ne pas permettre aux autres l’accès au pouvoir dominateur de la richesse. Ce qui rappelle la raison de la destruc- tion des livres alchimiques ordonnée par Dioclétien et rapportée par les chroni- queurs byzantins. De même, dit Zosime, Démocrite et les Anciens, qui étaient amis des rois d’Égypte, ont caché cet art dans l’intérêt des rois, mais aussi par une forme de jalousie, dirions-nous, scientifique. Le binôme jalousie/secret est fréquent dans le corpus des alchimistes grecs. On retrouve souvent l’opposition entre les « jaloux », qui ont caché la vérité sous une multiplicité de mots, et les philosophes « sans jalousie », qui se sont exprimés de manière claire. Chez les commentateurs, dont le but principal est de clarifier les écrits des Anciens, l’obs- curité de ces derniers est souvent considérée comme apparente. Olympiodore, par exemple, au sujet de l’« eau divine », montre que le langage allégorique et philosophique des Anciens est en réalité clair et sans jalousie. Il fait remonter l’usage des expressions énigmatiques à Platon et Aristote, et il explique que le but est d’inciter les chercheurs à poursuivre leur enquête au-delà des phénomènes physiques ( caag, II, 70, 4 s.). L’autre versant de l’ésotérisme alchimique est celui d’un chemin à l’« inté- rieur », non plus seulement d’une discipline, mais de soi. Chez Zosime, on trouve le dogme hermétique, ou plus généralement gnostique, de la connaissance de Dieu et de l’accueil de Dieu en soi-même. La séparation de l’âme du corps (voir les fréquentes allusions à l’homme « intérieur » ou « pneumatique ») apparaît comme le but idéal d’une transformation intérieure de l’homme qui semble se

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