Alchimie (Antiquité) | Viano, Cristina

Alchimie 62 décrites se reconduisent essentiellement par la production d’alliages contenant parfois de l’or et de l’argent en proportions variables, et par des traitements de coloration en surface, comme dans le cas des recettes du « bronze noir », conser- vées par Zosime syriaque. Le changement de la couleur est le but commun de ces différentes opérations. Si l’on tient compte du fait que dans l’Antiquité la cou- leur reflète la composition même d’un corps, on comprend l’étroite proximité entre l’idée de colorer et de « faire » un métal. Dans les ouvrages de Zosime sont décrits la plupart des appareils. Le plus célèbre est l’alambic – en grec ambix , ce qui donnera ensuite, par l’intermédiaire de l’arabe, al-’ânbîq (alambic) –, qui constitue la forme de base des appareils à distiller. La transmutation Tout le développement de l’alchimie grecque, des premiers recueils de recettes aux réflexions théoriques des auteurs et des commentateurs, est orienté par une tension dialectique entre théorie et pratique. Cette tension est étroitement liée au rapport ambigu qui subsiste entre imitation et réalisation effective de l’or, entre aurifiction et aurifaction , pour employer la célèbre distinction faite par Joseph Needham. L’intention qui se dégage des premiers traités techniques est de réaliser une teinture qui soit une « imitation » le plus fidèle possible de l’or. L’élaboration théorique transforme progressivement l’imitation dans le but idéal de la transformation totale. Mais pourquoi l’or ? Parce qu’il est, depuis l’Antiquité, le métal le plus beau, le symbole de la lumière et de l’incorrupti- bilité. En effet, il ne rouille pas. Selon Platon et Aristote, il est le signe de sa nature pure, contenant le moins possible de résidus terreux, ce qui le place en tête des classifications anciennes des métaux. Cela dit, les alchimistes cher- chaient à fabriquer non seulement l’or, mais aussi d’autres alliages tout autant précieux, comme l’ electrum (mélange d’or et d’argent). L’idée de la transmuta- tion se fonde sur la conception que tous les métaux sont constitués d’une même matière première métallique commune et réceptive à laquelle s’incorporent des « qualités » selon des principes de sympathie. La réflexion théorique sur les opé- rations alchimiques puise de manière évidente et déclarée son appareil concep- tuel et sa terminologie dans la philosophie grecque, et surtout aristotélicienne. Il est intéressant de souligner qu’en dépit des obstacles théoriques l’alchimie res- tera toujours informée par les modèles physiques et métaphysiques d’Aristote. En effet, toute l’alchimie médiévale s’efforcera de négocier avec Aristote les arguments que la philosophie officielle oppose à la transmutation, comme la fixité des espèces. Cette ambiguïté sera l’une des principales caractéristiques de l’alchimie de toutes les époques.

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