Introduction

Introduction 16 paysages méditerranéens, considérés à partir de l’articulation du relief et du cli- mat sur lesquels s’appuient les genres de vie des populations riveraines. Héritier de cette tradition, Fernand Braudel souligne que la mer est aussi entourée par le désert, et surtout par des montagnes surabondantes qui innervent les péninsules de la mer Intérieure. L’altitude déjoue ainsi la latitude. Toute proche des côtes, la montagne dresse des « nords à la verticale  10  ». On quitte ainsi rapidement la zone des orangers et des oliviers, dans une ascension qui conduit à travers des paliers où l’on rencontre des zones de végétation de plus en plus « nordiques », jusqu’à un univers de glace et de neige éternelle. Les contrastes climatiques avec ces espaces, qui demeurent tout proches de la Méditerranée « étroite », forment le socle des phénomènes de complémentarité inscrits dans la longue durée du temps géographique sur lesquels l’historien s’attarde. La transhumance, le noma- disme, les migrations montagnardes vers les plaines et les villes de la côte sont autant d’exemples d’une telle complémentarité. Mais Braudel va plus loin. Il consacre un chapitre entier à ce qu’il appelle une « Plus Grande Méditerranée ». C’est, pour lui, la Méditerranée telle que la font les hommes : les hommes qui se mettent en marche, qui ne s’arrêtent pas devant les impératifs du climat ou du relief. Vue au prisme de l’histoire, la Méditerranée déborde ainsi largement du strict cadre riverain. Citons un passage célèbre : « Or, selon les exigences de l’histoire, la Méditerranée ne peut être qu’une zone épaisse, prolongée régulièrement au-delà de ses rivages et dans toutes les directions à la fois. Au gré de nos images, elle évoquera un champ de forces, ou magnétique ou électrique, ou plus simplement un foyer lumineux dont l’éclairage ne cesse- rait de se dégrader, sans que l’on puisse marquer sur une ligne dessinée une fois pour toutes le partage entre l’ombre et la lumière  11 . » Selon l’historien, les pulsations de la vie de la mer se transmettent très loin, dessinant un espace-mouvement à géométrie variable. Elles s’insinuent en Afrique avec le commerce saharien, et parcourent au nord le continent européen à travers plusieurs isthmes (russe, polonais, allemand, français). Sans compter que la Plus Grande Méditerranée s’étend également dans les espaces immenses de l’Atlantique. Braudel parle même d’une Méditerranée globale qui s’élargit jusqu’aux rivages du Nouveau Monde  12 . Par conséquent, le tracé des frontières de l’espace méditerranéen ne peut se faire une fois pour toutes : « Ces circula- tions d’hommes, de biens ou tangibles, ou immatériels, dessinent autour de la Méditerranée des frontières successives, des auréoles. C’est de cent frontières 10. F. Braudel, 1990, p. 31. 11.  Ibid. , p. 203. 12.  Ibid. , p. 201.

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