Introduction

Introduction 18 approfondies (on mentionnait une homogénéité technologique, associée à une diversité culturelle et ethnique, et à une longue histoire de relations). Les mono- graphies ethnographiques qui fournissaient la matière première de la compa- raison, étaient dispersées et souvent situées assez loin des rivages de la mer (par exemple dans les steppes de l’Anatolie, dans une oasis du désert égyptien, ou bien au Portugal). Les travaux successifs, qui ont perpétué la tradition médi- terranéiste en anthropologie, ont généralement gardé cette orientation large et indéterminée du cadre comparatif méditerranéen  16 . Dans la vision géopolitique, impulsée notamment par Yves Lacoste, le monde méditerranéen est conçu comme l’ensemble des États qui entourent la mer, consi- dérés dans leurs interrelations et dans leurs conflits, au-delà des aspects étroi- tement climatiques et géographiques. Ce monde prend le nom d’une étendue maritime, mais se déploie très loin de ses rivages. De plus, en tant qu’ensemble géopolitique, il intègre même les États du Moyen-Orient qui, sans être rive- rains, ont un impact déterminant sur les régions situées en bordure de la mer  17 . On le voit bien, la constitution d’un champ scientifique d’études méditerranéennes implique de reconnaître cette variabilité des perspectives et de dessiner une Méditerranée à géométrie variable : une Méditerranée contre-intuitive, au-delà de l’aire géographique prototypique de l’olivier ou d’une aire culturelle associée à la présence de certains traits plus ou moins stéréotypés. Cela peut per- mettre d’abandonner la conception de la Méditerranée en tant qu’identité, et de prendre ainsi congé aussi bien des argumentations basées sur l’idée qu’il existe une seule « vraie » Méditerranée, dont on peut saisir les limites avec précision, que des discussions sans fin pour déterminer si telle ou telle région, telle et telle ville peuvent être considérées comme étant incontestablement « méditerranéennes » à l’aune de leur correspondance avec la représentation prototypique de la Méditerranée – qu’elle soit de nature géographique, sociologique ou culturelle. Il s’agit d’admettre que, du point de vue de la recherche, il n’y a pas de fron- tières claires de la Méditerranée, mais que la région méditerranéenne s’estompe en un enchevêtrement complexe, avec des recouvrements, des zones de transi- tion, des dégradés. Surtout, il faut accepter l’idée qu’il y a plusieurs conceptions scientifiques de la Méditerranée, selon les points de vue, les questions étudiées, les disciplines. La focale analytique de la comparaison varie en fonction des objectifs de la recherche. Il est ainsi envisageable de se limiter à un espace très restreint, étroitement adjacent à la mer, ou bien de s’ouvrir à une Méditerranée large, ou même à la Plus Grande Méditerranée chère à Braudel. 16. Pour un regard d’ensemble et un bilan sur cette tradition de recherche, voir A. Blok, Ch. Brom- berger et D. Albera, 2001 ; D. Albera et M. Tozy, 2005 ; P. Bonte, 2012. 17. Y. Lacoste, 2006.

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